Crossfit. Une nouvelle religion est née

01 juillet 2017

Crossfit. Un sport auquel s’adonnent de plus en plus de personnes. Un sport qui travaille l’ensemble du corps ; bras, épaules, dos, abdo, fesses, cuisses, mollets. (Hum, ça me fait vaguement penser à « Tête, épaule, genoux, orteils, genoux, orteils… Ouais, bon, la maman en moi qui dérape un peu ici.) Un sport qui travaille plusieurs qualités ; la force, la rapidité, l’agilité, l’endurance, la puissance, le cardio. Jusqu’à présent, que de belles qualités. Mais un sport qui peut aussi saper mes efforts de physio en rééducation périnéale et pelvienne si mal pratiqué. Don’t take me wrong. Je n’ai nullement l’intention de « basher » sur ce sport. I get it. Ça semble être un sport exaltant. Full adrénaline pis toute. Chacun se procure son buzz comme il le peut ! Bon, personnellement, ce n’est pas ma tasse de thé, je préfère de loin la liberté que m’amène la course à pied. (Si vous avez lu mon blogue précédent Wannabe Coureuse, vous le savez déjà.) Ouin, ben les propos de ces deux textes se recroisent: je ne suis pas contre le sport (crossfit ou course à pied) mais contre la mal-pratique de celui-ci. De grâce, faites vos devoirs avant de vous lancer dans une aventure qui pourrait grandement vous amocher (ou plus positivement, grandement vous équilibrer si les devoirs sont bien faits !). Parce que notre corps, c’est le seul véhicule que nous possédions. On ne peut pas le remplacer si on a été trop dur sur la suspension, si ça grince ou si les rubbers ne sont plus étanches…

Je vais être honnête: je ne connais pas beaucoup le crossfit. (Tout comme certains entraîneurs ne doivent pas connaître la rééducation périnéale et pelvienne. On est quitte, alors !) Bah, pourquoi écrire là-dessus si je ne m’y connais pas ? Ben parce qu’il s’avère que je traite des GENS. Or, de plus en plus de GENS s’adonnent au crossfit dans leur temps libre pour tenter de garder la forme. De ces GENS, il y en a qui viennent me consulter parce que leur corps présente une ou plusieurs dysfonctions. Mais le corps est modelé par ce qu’on lui fait subir ; comment on le maintien (la posture), comment on le bouge (les patrons de mouvements que ce soit dans le quotidien, au travail, dans le sport), comment on le nourrit (nutriments vs substances nocives). Faque la dysfonction pour laquelle on vient me consulter est en interaction avec la pratique dudit sport. Si je peux outiller sur la posture, donner des exercices (ça on s’y attend généralement en me consultant), je peux aussi donner des « cues » sur la pratique du sport (aka crossfit). MÊME si je connais pas ça, le crossfit.

C’est vrai, l’entrainement en soi, je ne le connais pas. Je n’irai donc pas vous dire quels exercices faire, avec quelle charge, combien de répétition, en circuit machin-chouette. C’est hors de mon champ de compétence et je pourrais peut-être même être dangereuse par ignorance. (Croyez-moi, être ignorant, c’est dangereux !) Sérieux, je connais les double unders, box jumps et kettlesbells uniquement pour leur triste réputation de « pee puddle », la flaque de pipi, en bon français.

Bon, maintenant je ne veux pas seulement passer pour une ignorante. Parce que j’en sais, des choses. Parce que je la connais fichtrement bien, l’enceinte abdominale (voir mon autre blogue Sport après l’accouchement. Danger !) Parce que je connais trop bien les conséquences à long terme d’une enceinte abdominale déficiente sur laquelle on applique de trop grandes pressions (fuites urinaires, fécales, prolapsus, diastase des grands droits, de la symphyse pubienne, hernie inguinale, ombilicale, hernies discales, sacro-ilites, etc.) Parce que je connais la synergie que les muscles stabilisateurs profonds (le « core ») doivent entretenir entre eux. Parce que je connais le positionnement optimal que doivent maintenir entre eux le thorax, l’abdomen, la région lombaire et le bassin pour faciliter cette synergie. Parce que je sais que la respiration joue un rôle décisif sur la stratégie adoptée pour stabiliser le tronc. Alors non, je ne vous bâtirai pas un programme de crossfit, mais je peux assurément vous corriger sur la « forme » de l’exécution.

Ce sport mène souvent aux compétitions. (Du moins, d’un point de vue externe, en tant que physio qui traite une personne qui s’adonne à pratiquer le crossfit comme sport. Je vous ai dit que je ne connaissais pas beaucoup le crossfit ?) Pourquoi ? Peut-être est-ce un trait de caractère que partage la tranche de population attirée par ce sport: la compétitivité, le dépassement de soi, le désir de performance, l’adrénaline (bon, je crois que vous avez saisi mon propos.) Mais pour moi, cette propension à vouloir compétitionner me fait parfois froncer les sourcils. Mah, est-ce qu’on va s’entraîner plus vite et plus fort pour passer au prochain round ? Est-ce qu’on va en faire un peu plus que ce que notre machine (aka le corps que l’on devrait chouchouter car on en a qu’un seul et que s’il pète, ben too bad !) peut en prendre ? Va-t-on ignorer un petit bobo récurrent devant la possibilité de réaliser un exploit ? Tsé, parce qu’on n’est pas infaillible. On a des émotions à gérer pis des fois, ils prennent le dessus. Je voudrais juste pas que vous le regretteriez plus tard.

Faque bon, vous les crossfiteux, vous poussez la machine. Autre chose que j’ai pu observer (dans mon échantillonnage de clients qui s’adonnent à être aussi des crossfiteux), c’est cette genre de nouvelle mentalité. Vous êtes plus libre dans vos discussions, vous levez les tabous. Genre sur les fuites urinaires. Parce que tsé, à s’entrainer comme ça, vous êtes une grosse gagne à en avoir, tout genre confondu. C’est bien de « détaboutiser » les fuites. Mais que c’est « normal » et ok ; que c’est même une preuve d’intensité ?! (Bon, je ne veux pas généraliser là là. Mon échantillonnage est petit, ça n’implique qu’une part de ma clientèle). Ça me rend vachement mal à l’aise que ce message puisse être véhiculé ou du moins perçu et interprété comme tel. Hmm, faire pipi durant son entrainement de crossfit prouve seulement qu’il y a une fuite dans le système (enceinte abdominale). POINT. Je ne valorise pas le fait de s’entraîner au point de dépasser les capacités du corps de maintenir l’équilibre.

Et si on s’entrainait en respectant le maillon faible de notre chaine et non pas en poussant la machine pour accoter le maillon fort ? En chimie, on parle du facteur limitant. Une substance vient à manquer pour effectuer une réaction ? La réaction s’éteint. Aussi simple que ça. Or, le corps humain a la faculté de compenser ; de trouver autre chose à utiliser pour réussir la tâche. Cette faculté est nécessaire à la survie de toutes espèces animales. (Un lion vous court après et vos fessiers n’ont plus de « jus » ? Votre corps se battra avec ce qu’il reste dans les mollets, les quadriceps, alouette pour continuer à vous propulser en avant). Mais ce n’ai pas parce que nous avons cette faculté que nous devons en abuser. Laissons notre corps nous limiter. Parce que si c’était votre dos, vous le laisseriez vous limiter (aille ! la douleur convainc facilement, n’est-ce pas ?). Mais faire pipi, la seule chose que ça blesse, c’est notre égo (et ça, c’est pas aussi grave ?). Et si, en plus, c’était valorisé ?!

Restez à l’affût, le crossfit sans la grosse « flaque » (ou même petite !) bientôt disponible chez une physiothérapeute près de chez vous !